La Tapisserie de Fionavar de Guy Gavriel Kay

Pendant deux semaines, j’ai été transportée, enivrée d’un monde qui n’est pas le mien. J’ai fait de belles rencontres, j’ai eu de nouveaux amis. Durant cette période mon propre monde m’a paru fade. J’avais le sentiment d’être au delà de tout ça, d’être quelqu’un d’important parce que je connaissais cet autre monde, que je vivais avec lui. Je n’avais plus vraiment les pieds sur terre, j’étais ailleurs. Les rêves et la réalité se confondaient parce qu’un jour j’ai de nouveau ouvert les pages qui m’ont conduit au centre de la tapisserie de Fionavar.

Voila tout le talent de Guy Gavriel Kay. Nous envelopper, nous transporter, nous guider pour finir par nous laisser là, presque désœuvré. Comme dans chacun de ses romans, j’ai fermé la dernière page avec dans le cœur un immense chagrin, pour me retrouver au milieu de mon salon dans un monde qui me paraissait sans intérêt. Avec le sentiment d’avoir perdu mes repères, d’avoir perdu mes amis.  C’est pourtant avec une certaine appréhension que j’ai recommencé à lire les pages de ce roman que j’avais découvert il y a de cela dix ans. J’étais alors encore une enfant qui avait aimé ce monde de pure fantasy dépeint par un auteur que je découvrais pour la première fois. Pendant longtemps je l’ai cité comme l’un de mes romans préférés. Il m’avait terriblement marqué, à tel point que depuis dix ans je rêve de me faire décolorer les cheveux en blanc à la façon de Kim (sans jamais oser le faire).

Depuis j’ai découvert ses autres romans, bien différents de cette trilogie mais toujours aussi envoutants. Et puis le challenge de Merkilla m’a obligé à me replonger dans le monde de Fionavar avec cette angoisse de me demander si mes souvenirs de jeunesse n’allaient pas être dénaturés par mes yeux d’adulte…  Mais non, tout était là pour de nouveau me faire basculer dans le premier de tous les univers…

Alors qu’ils participaient au Second Colloque international sur les Celtes, cinq jeunes Toronnais sont abordés par le conférencier. Celui ci leur propose de les conduire dans un autre monde afin de participer à l’anniversaire du règne du grand roi du Brennin. Envoutés par cette histoire, les jeunes gens décident de se lancer dans l’aventure, quinze jours dans un monde qui ne seront que quelques heures dans le leur. Ils vont découvrir Fionavar, ses peuples, ses coutumes , son histoire et les légendes qui l’entourent. Mais très vite, ils vont également découvrir que chacun à son fil inscrit sur le métier du Tisserand et son rôle à jouer dans la Tapisserie des univers.

Emprisonné dans le mont Rangat, Maugrin le dévastateur a réussi à se libérer de ses chaînes. Dans ce deuxième tome, nous retrouvons tous les personnages que nous avons rencontré dans le premier tome. Les pièces se mettent en place. L’auteur nous promène à la rencontre de ce monde, à la rencontre des êtres qui le peuplent. Avec toujours sa façon habile de nous faire partager ses principes de respect et de tolérance, Guy Gavriel Kay nous enivre de ce monde où l’on craint pour la vie de chacun des personnages.

Dans ce dernier tome nous assistons à la confrontation finale entre les forces de l’ombre et de la lumière. Les peuples de la lumière se rallient et s’organisent pour venir à bout de celui qui veut les détruire. Chacun des cinq toronnais a son rôle à joué dans ce monde qui est le premier de tous. Cinq, non. Ils ne sont plus que quatre. A vous de découvrir lequel meure et dans quel tome. Pour ma part, ce roman a été le seul, un jour à me faire pleurer (manque de pot, ce n’était pas pour le bon personnage…). Cette fois-ci j’ai cru résister à cet élan de tendresse qui m’a envahit mais les larmes sont encore une fois venues me piquer le coin des yeux.

Dans un roman à la Tolkien, l’auteur du Silmarillion créé un monde qu’il développe avec une infinie justesse. Fionavar, le premier des mondes dans lequel toute chose à une répercussion sur les autres. Il y intègre nombre de légendes, plus ou moins connues. Bien sur les elfes de la mythologie celtique (re-dénommées Lios Alfar), les nains, les géants, et bien d’autres. On y retrouve aussi l’illustre et tragique légende du roi Arthur, de sa reine Guenièvre et de leur bien aimé Lancelot. Il reprend également à son compte les corbeaux mémoires et pensées de la mythologie nordique, Dana et Macha, respectivement la déesse mère et celle de la destruction dans les légendes celtiques.

Comme à son habitude, l’histoire se déroule à travers les yeux de nombreux personnages. Les non initiés auront peut être du mal à s’y habituer mais le lexique du début est là pour les aider. A l’instar de ce qu’il développera dans ses autres romans, GGK distille des valeurs et des principes au travers de ces lignes toujours poétiques. Et même dans un monde où les forces des ténèbres et de la lumière s’affrontent, GGK nous montre qu’en chacun de nous il y a du bien et du mal. Mais c’est parce qu’ils présentent une telle humanité, avec leurs qualités et leurs défauts, que nous nous accrochons autant à eux.  D’ailleurs La tapisserie de Fionavar est le seul roman de GGK mettant en exergue un tel manichéisme.  Le seul autant inspiré de son mentor qu’était Tolkien. Dans ces autres romans, GGK a trouvé un autre style qui semble-t-il lui est plus proche : la fantasy-historique. En effet, dans chacun de ses romans qu’il écrira par la suite, Guy Gavriel Kay va s’inspirer de l’histoire des contrées jusqu’à en arrivé à réécrire l’histoire à l’image de la Mosaique de Sarance ou des Lions d’Al Rassan. La tapisserie de Fionavar fait donc presque figure d’un ovni dans la bibliographie de l’auteur. Mais il n’en demeure pas moins un très beau roman de pure fantasy qui nous transporte dans un autre monde.

Nota Bene ; Nous retrouvons certains personnages de La Tapisserie de Fionavar dans Ysabel.

Linjte

Fiche technique :

– L’arbre de l’été, tome 1, Titre original : The Summer Tree, 1984, Traduction de Elisabeth VONARBURG, Illustration de Sandrine GESTIN, FRANCE LOISIRS, coll. Fantasy n° (11), juin 2004, 544 pages, catégorie / prix : nd, ISBN : 2-7441-6816-5

– Le feu vagabond, tome 2, Titre original : The Wandering Fire, 1986, Traduction de Elisabeth VONARBURG, Illustration de Sandrine GESTIN, FRANCE LOISIRS, coll. Fantasy n° (12), juin 2004, 464 pages, catégorie / prix : nd, ISBN : 2-7441-6817-3

– La voie obscure, tome 3, Titre original : The darkest road, 1986, Traduction de Elisabeth VONARBURG, Illustration de Sandrine GESTIN, FRANCE LOISIRS, coll. Fantasy n° (13), juin 2004, 644 pages, catégorie / prix : nd, ISBN : 2-7441-6818-1

Cet article est publié dans le cadre du Challenge Guy Gavriel Kay proposé par Merkillia :

15 réflexions sur “La Tapisserie de Fionavar de Guy Gavriel Kay

  1. Rooh la la, ça remonte à loin pour moi, cette lecture…
    Un très bon souvenir d’alors, j’avais été captivé, mais j’ai perdu un grand nombre de souvenirs concernant l’histoire…
    Ca reste il me semble c’est vrai très proche d’un Tolkien.

    Kay fait partie de ces auteurs dont je sais qu’il pourrait me plaire à travers ces écrits plus « ambitieux » : Les lions d’Al-Rassan et Tigane, entre autres.

    Un jour…

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    • L’histoire était lointaine aussi pour moi et j’ai trouvé ca super de pouvoir me replonger dedans. J’ai des souvenirs qui me sont revenus au fur et à mesure, du coup il y avait peut être un peu moins de « magie » que la première fois mais ca a été très agréable quand même.
      En tout cas je ne peux que te conseiller très fortement la lecture des autres romans de GGK. Plus rien à voir avec du Tolkien mais c’est purement génial (bon j’avoue je n’ai plus rien d’objectif dans mes propos !).

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    • Rhoo mais non tu peux pas dire ca, « Les lions d’Al Rassan » est génial 😉
      Plus sérieusement je dirais que ‘La Tapisserie De Fionavar’ est très différent par rapport aux autres romans de GGK. C’est de la pure fantasy contrairement aux autres, mais le style GGK est toujours là. Donc ca dépen de tes attentes…
      En tout cas je suis bien d’accord avec toi, on a pas assez d’une vie pour tout lire, personnellement je vois ma pile qui ne désemplie pas.

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  2. Ah je suis RAVIE de voir que la trilogie t’a beaucoup plue 🙂 C’est un grand (immensément, même) coup de coeur pour moi.
    C’est d’ailleurs la seule oeuvre littéraire que j’ai relue autant de fois. Je suis toujours émue d’entrer de nouveau dans cet univers (oui, je n’ai point honte de le dire)
    Je me suis renseignée pour Ysabel, il faut vraiment que je passe commande à la maison d’éditions canadienne comme tu le conseillais 🙂

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    • J’ai aussi une certaine pointe d’émotion en relisant ce roman. Il est très beau et c’est une formidable souvenir de jeunesse.
      Tu ne retrouves pas du tout ce monde dans Ysabel puisqu’il se passe en France et à notre époque mais il est très sympa quand même.
      Je suis passée par Amazon Canadien pour l’acheter mais tu dois pouvoir passer directement par la maison d’édition. D’ailleurs je surveille la sortie d’Under Heaven sur le site Alire !!!

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