L’on disait autrefois « faire voile vers Sarance« . Cela signifiait « que l’on changeait d’existence, qu’on embarquait vers quelque chose de nouveau, que l’on se transformait telle une figure dans une peinture ou une mosaïque classique en devenant quelqu’un d’autre. »
Mais voila, Sarance n’est plus. Ses murs sont tombés aux mains des Asharites. Il ne reste rien de l’empire glorieux de Valérius II. Les empires se font et se défont sous le glorieux soleil de Jad ou sous les étoiles d’Ashar. Il ne reste désormais que des souvenirs de la Cité perdue et les Osmanlis qui menacent les jaddites ou nom d’Ashar.
Alors, sur terre comme sous les dômes des temples de Jad, tout ce qui avait fait la gloire de Sarance s’effrite. Ne reste que les morceaux de souvenirs, piétinés comme le furent les morceaux de mosaïques tombés.
« Rien à distinguer dans le dôme, pas dans cette obscurité, quoi qui pût s’y trouver, façonné il y avait très longtemps, avec ces pierres et ces morceaux de verre qui dégringolaient dans l’espace et le temps. »
Pourtant, des années après la mort de Valérius II,après que Crispin eu terminé son œuvre, nous reprenons la route vers ce que fut Sarance.
Missionné par le Conseil des Douze de la petite république de Séressa, Péro Villani, jeune peintre peu connu, a accepté de réaliser le portrait du Grand Calife à Asharia. Il devra donc se rendre au cœur de l’empire ennemi et pénétrer dans les appartements de Gurçu le Ravageur. Il sait pourtant que personne n’y est admis et que le seul fait d’y ouvrir la bouche pourrait lui valoir la mort. Léonora Valéri a reçu elle aussi une proposition alléchante de la part de la République : enfermée dans un couvent par son père en raison d’une grossesse « inadéquate », elle recouvrera sa liberté si elle espionne la petite Cité de Dubrava. Quant à Marin Djivo, issu d’une riche famille marchande de Dubrava, il a reçu le mandat d’escorter le peintre et Léonora.
Or, le vaisseau qui les amène de l’autre côté de la mer Séressinienne est abordé par un groupe de raiders senjan au sein duquel se trouve Danica Gradek, dont le destin se liera à celui du trio après la mort du médecin qui servait de couverture à Léonora.
Ils sont quatre, et aucun d’eux ne sait encore que leur quête personnelle changera à jamais le futur de tous les enfants de la Terre et du Ciel…
Aprés nous avoir plongé dans la chine Antique, Guy Gavriel Kay nous ramène sur les terres d’Europe, au cœurs du monde méditerranéen du XVe et XVIe siècle. Habitué des romans de fantasy historique, et maitre en la matière, l’auteur nous livre une part de l’histoire du monde à cette époque troublées où chrétiens et Ottomans se disputaient la domination de ce que fut l’empire Byzantin. Et c’est notamment à travers l’histoire des Uscoques, peuple chrétiens et pirates croates basé à Senj (après avoir fuit l’avancé des Turcs), que Guy Gavriel Kay a voulu nous amener dans son monde. C’est donc en reprenant à son compte le conflit ouvert qui existait entre les uscoques et la Petite république de Venise que GGK ouvre son roman. On y retrouve par ailleurs la position très particulière de cette république où le commerce dépasse les conflits de religions ; ou encore l’histoire de Dubrovnik, à travers son reflet de fantasy : Dubrava. Et comme chaque fois des personnages réels renaissent sous la plume de l’auteur, ainsi, il me semble que Gurcu le ravageur n’est autre que Mehmet II, ou encore que Péro Villani avait existé sous les traits de Gentile Bellini.